Portrait de ZZ+ : Jesse O’Scanlan, ex-architecte systèmes embarqués, charpentier, illustrateur

Carte d’identité ZZ :

Mon surnom ZZ : Boug

Ma promotion / Filière : 2000 / F1

Ma devise : A l’ISIMA, c’était « Lettre au Père Noël », raison pour laquelle j’ai redoublé ma 1ère année 🙂

En bref : J’ai vécu mon enfance dans un bled aubois de 100 habitants avant d’aller au collège à Troyes, au lycée à Hyères et en prépa de nouveau à Troyes. En 3/2, je m’étais dit que si je n’avais pas de concours j’irais à la fac, et finalement j’ai eu les ENSI de justesse et j’ai atterri à Clermont-Ferrand !

Mon expérience ISIMA :

Promotion et filière : J’ai toujours voulu comprendre comment les choses fonctionnent. J’ai naturellement été attiré par le hardware et choisi la filière F1 (à l’époque, la filière n’était pas séparée entre F1 et F5). On faisait un peu de radio mais surtout du VHDL (je me souviens encore des cartes FPGA Xilinx qui foiraient sous Win3.1…). La première année a été un peu trop tranquille après la prépa, tellement tranquille que je l’ai redoublée, j’ai du coup passé 4 ans à l’école !

Associatif : J’ai participé à la création du club de jeux de rôles qu’on avait appelé LVDIC (qui signifiait « La Vengeance De l’Immonde Cloporte »). J’ai aussi dessiné la plupart des affiches des soirées de l’époque, ainsi que le logo du BDE avec la mascotte de l’école.

        

Meilleurs souvenirs de l’ISIMA : Le WEI96, le TIE à Marseille, les cours dans les préfabriqués les lendemains de soirées, les TP de réseau où l’on recodait Midnite, un des premiers MMORPG en mode texte, l’accès internet sur 3 terminaux alpha en mode texte.

Après l’ISIMA :

Les débuts en start-up

A la sortie de l’école, c’était la fête, les années internet où n’importe quel projet levait des fonds, j’ai trouvé du boulot très facilement dans la téléphonie mobile, chez un éditeur de logiciel où je suis resté 7 ans et où j’ai pu expérimenter tout ce qui fait le charme des start-ups de bulle technologique.

J’étais curieux, la techno était bien, je bossais sur l’équivalent de Waze mais avec 15 ans d’avance. On avait créé tous les services : serveurs de cartos, webservices (l’ancêtre du SaaS) et APIs clients mobiles sur Windows, Symbian et Java. Tout était disponible pour qu’un client puisse développer sa solution de cartographie complète ou nous acheter une solution clé en mains.

Le charme de la start-up c’est la liberté de bosser sur ce que tu veux, d’aller d’un projet à un autre quand il y a besoin de monde ou quand tu sens que tu as fait le tour de la question sur un sujet. C’est aussi la possibilité de développer (et donc de coder) une idée que tu proposes pour la faire valider, et de bosser vraiment ensemble sur les projets, de la conception aux tests. Ça entretient la curiosité, la polyvalence et l’envie de trouver des solutions. L’esprit « ingénieur » quoi.

En parallèle j’ai aussi participé à créer le Comité d’Entreprise en Délégation Unique. C’est là que j’ai vu l’autre charme de la start-up, pour les managers et la direction générale : beaucoup d’argent. Au départ la stratégie avait peu d’importance, ça a fusé dans tous les sens.

C’est pour ça que la boîte n’a pas décollé : au lieu d’avoir une solution claire, solide et alternative face à Tomtom, on a essayé de faire la même chose. Et bien sûr, ça n’a pas fonctionné. Et ensuite, quand les fonds s’épuisent, on sort les plans sociaux. Ce n’était pas très grave à l’époque, il y avait du boulot partout. Néanmoins, en participant aux Conseils d’Administration en tant que délégué du personnel, je me suis rendu compte des énormes inégalités qui existent entre les employés et les patrons, pour qui une entreprise est d’abord un investissement dans lequel la masse salariale est une charge et qui n’ont donc pas du tout le même point du vue sur la valeur du travail.

L’évolution en société de services

Au bout de 7 ans, j’avais fait à peu près le tour du sujet, je commençais à stagner et je remarquais que la boîte aussi. J’ai donc sauté en marche dans un des plans sociaux pour évoluer et j’ai bifurqué vers les sociétés de service et vers l’électronique de réseau et industrielle. Cette fois j’ai pu expérimenter ce qui faisait le charme des grosses boîtes bien implantées : des projets bien ficelés, des temps de développement assez longs et clairement balisés, des process carrés, des méthodologies éprouvées et la finalité des projets assurée.

Du moins, ça c’était avant la crise des subprimes (2007). Cette crise a eu un impact sur la capacité des banques à prêter de l’argent, notamment pour financer de très gros projets de NTIC qui présentaient quand même un risque. Cette crise a eu un très gros effet sur moi, et les questions que je commençais à me poser quand j’étais délégué du personnel ont trouvé un fort écho dans les manifs Occupy (2011) et autres mouvements alternatifs. La question des flux monétaires, de la propriété intellectuelle et de l’utilité réelle de ce qu’on développait revenait souvent. L’immixtion des ERP dans le cœur de la gestion des projets a amplifié ces problèmes. :

Je voulais faire du libre, partager mes idées et mes développements, être – au moins un peu – reconnu pour les solutions que j’apportais aux projets.  Hélas, tout ce que je faisais était la propriété de l’entreprise, je ne pouvais travailler que sur ce qui était financé, et les projets étaient financés principalement par le gouvernement et des fonds européens.Il fallait donc faire rentrer tous les projets dans les cases des financements publics.

En tant qu’architecte système, je me suis aussi renseigné sur la gestion du sourcing et de l’obsolescence des composants. J’ai pu échanger avec des membres de CHSCT des entreprises clientes sur les questions d’impact environnemental des processus de fabrication. Malheureusement, tout ce que pouvaient prôner les entreprises dans le domaine de la protection de l’environnement était clairement du greenwashing. Même sur un projet comme le développement d’un ordinateur de bord de véhicule électrique pour lequel j’ai fait toute l’architecture et l’intégration système…

Je me suis finalement rendu compte que les seuls projets vraiment viables d’un point de vue social et environnemental (qui prennent soin des gens et des écosystèmes en général) ne pouvaient pas être très rentables dans le système économique actuel et donc ne pouvaient pas voir le jour.

Illustration (dessin) réalisée par Jesse

Reconversion professionnelle

Du coup, j’ai démissionné. J’avais pourtant commencé une belle carrière : développeur 7 ans, intégrateur 2 ans, architecte logiciel 1 an, architecte système 2 ans. J’aurais pu continuer Directeur Technique chez Thales Avionique… 

Changer de carrière et de branche n’a pas été rapide, ni simple. J’avais déjà demandé un CIF deux ans de suite, qui avait été refusé deux fois.  Je ne pouvais pas faire autre chose, et c’était le moment ou jamais.

J’ai eu la chance de pouvoir bénéficier d’une Préparation Opérationnelle à l’Emploi, un dispositif de Pôle Emploi pour les reconversions. J’ai pu suivre la formation des Compagnons du Devoir. Je n’ai pas pu faire le Tour de France, j’étais trop âgé et pas assez « réceptif » aux valeurs compagnonniques.

Les Compagnons dispensent une formation vraiment excellente tant théorique que pratique et disposent d’un fonds documentaire incroyable. Cependant, leur façon d’enseigner est empreinte d’une très forte dose de franc-maçonnerie. Leur réseau est très dense et très actif mais complètement fermé si on n’est pas passé par les Maisons des Compagnons (c’est-à-dire si on n’est pas rentré chez eux à 15 ans…) J’ai donc dû trouver moi-même mes stages, mon alternance, et une entreprise dans laquelle démarrer ma nouvelle activité.

Après quelques recherches, j’ai finalement constaté que les entreprises du bâtiment n’étaient pas faites pour moi. J’y retrouvais tous les défauts que j’avais quitté dans l’ingénierie, amplifiés par le manque d’éducation des ouvriers et les collusions entre le bâtiment, l’urbanisme et la politique.

Et puis, j’ai découvert les SCOP et les Coopératives d’Activité et d’Emploi. Un modèle économique différent, où les employés sont aussi propriétaires de leur entreprise, où les décisions stratégiques sont prises collectivement et où chaque salarié organise sa propre activité comme il le souhaite, de bout en bout.

Je suis maintenant charpentier.  Je construis des maisons en bois. J’encadre des chantiers participatifs avec les habitants, particuliers ou associatifs, en utilisant le plus possible des matériaux naturels et locaux et des méthodes traditionnelles. Je gère mes approvisionnements, je choisis mon bois, je peux sélectionner les chantiers qui m’intéressent et je les conçois et réalise en partenariat avec mes clients et mes collègues.

Cette façon de travailler permet de se remettre régulièrement en question et de trouver les bonnes pratiques à chaque étape d’un projet. Je prends en compte le cycle de vie complet : de la matière première jusqu’à la finition et même jusqu’à la fin de vie de la réalisation. Et je partage tout ce que j’ai appris avec mes collègues et mes clients.

En parallèle, et depuis toujours, je dessine. Le dessin m’a permis de m’exprimer quand j’en avais besoin et du coup de me rendre compte des problèmes que créait le système auquel je participais. Grâce au dessin, j’ai pu organiser ma pensée et choisir la voie qui me convenait de la façon la plus cohérente et donc la plus durable possible pour moi. Bien évidemment, dessiner n’a jamais été une activité rentable 🙂

Me suivre :

www.metoogotmy.net

www.lecharpentiervolant.com

Découvrir d’autres portraits d’ancien·ne·s…
Envie de partager ton expérience ZZ ? N’hésite pas à nous contacter.